Conférence de Montréal en décembre 2022 : Sauver la Nature ?

La conférence de l’ONU sur la Biodiversité, dite COP15, est ouverte du 6 au 19 décembre 2022 à Montréal. Pendant deux semaines les délégués de quelques 190 pays se retrouvent pour mettre en place un nouveau cadre mondial décennal pour sauvegarder la Nature, sans oublier les ressources indispensables à l’Humanité. Le secrétaire général de l’ONU ouvre la conférence en disant que L’humanité est devenue une arme d’extinction massive.

Le bilan d’étape est critique : probablement plus d’un tiers des espèces vivantes sont menacées, dont une part significative est en voie d’extinction proche (CR au niveau des catégories de l’UICN). Ce ne sont pas moins de 902 espèces (chiffres de l’UICN au 7 décembre 2022) dont l’extinction a été établie (EX) et 9.065 sont considérées comme très proche de l’extinction (CR). L’expérience locale montre qu’une espèce en catégorie En Grave Danger de disparition (CR) disparaît dans la décennie, si aucune action de conservation n’est organisée. Le pas de temps est peut-être un peu plus long au niveau Mondial, mais le principe est de toute évidence similaire. Il ne faut pas négliger les quelques 20.469 espèces placées en catégorie Insuffisamment documentée (DD) qui masquent bien souvent des animaux ou des plantes dont on n’a pas entendu parler depuis longtemps, sans qu’on ait la certitude de la disparition ! Par ailleurs les analyses de l’UICN ne portent que sur environ 130.000 espèces, soit moins de 10% des espèces décrites et connues. Il ne s’agit qu’une vision très partielle de la Biodiversité basée sur les centres d’intérêts de scientifiques et sur les taxons les mieux étudiés. La disparition silencieuse de la Biodiversité n’est finalement pas clairement déterminée.

Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de l’évaluation des habitats… les sols fondement des écosystèmes, sont fortement dégradés sur un tiers de la surface de notre Planète, une part significative est devenue stérile ou se développent sous formes de substrats nus comme les bads lands ou inutilisables, tant pour le vivant que pour l’humanité, telles les latérites. S’ajoutent la pollution des airs et des eaux, les changements climatiques, la disparition des surfaces glacées (banquise, glaciers, permafrost), la plastification de l’environnement, la fragilité de la couche d’ozone, etc. Une cause principale et bien identifiée, l’Homme, avec des conséquences multiples qui se traduisent par une accélération anarchique d’un nouvelle Crise de la Biodiversité selon un pas de temps extrêmement court à l’échelle de l’histoire de la Terre. C’est quelque part passionnant car un naturaliste au cours de sa courte vie peut suivre jour après jour les événements qui ponctuent les changements de son environnement. Chacun est en train de vivre en direct la disparition mais aussi l’évolution d’une part significative de la Biosphère. La Vie a failli disparaître à plusieurs reprises, elle a subit des assauts majeurs liés à des événements apocalyptiques dont un des plus médiatisé est celui de la Crise Crétacé-Tertiaire ayant conduit à la disparition des grands Dinosaures, mais aussi des Ammonites et autre menu fretin qu’aucun ne connaît. De cette grande Crise survenue il y a 65 millions d’années est née en quelque sorte l’Humanité. Sans cette Crise, les Primates et les Hommes ne seraient probablement pas apparus sur la Terre. Que va-t-il surgir de la nouvelle Crise actuelle ? Que va inventer la Vie ? En effet d’une Crise naît la nouveauté : chaque Crise de la Biodiversité en est la preuve et cette nouveauté contribue fondamentalement à l’Évolution du vivant et on peut parler de révolution.

Parlons argent, puisque l’Humanité se fonde désormais sur ce concept qui lui paraît essentiel : le coût de la dégradation des écosystèmes est estimé à 3 billions de dollars pour chacune des années de la prochaine décennie : 3.000.000.000.000 $ par an. Une vision optimiste est de considérer que le sommet mondial de Montréal, se tenant ce mois de décembre 2022, est probablement la dernière chance pour les gouvernements d’inverser le cours des choses (réaliste)… et de sauver notre précieux système de survie (c’est certainement trop tard). On lit dans les solutions le partage de financements des actions selon les moyens de chaque pays et on revient encore et toujours à des histoires d’argent. Il faut cesser de se focaliser sur de simples constats et des observations : les faits sont identifiés et connus. Il faut cesser de compter son argent et chercher comment en gagner plus en usant de mécanismes monétaires pour valoriser ses fonds au détriment des actions.

Les actions à mener doivent être identifiées et déterminées de manière à les mener sans hésitations. Les moyens s’ils sont nécessaires, ne doivent pas guider les décisions d’action. Si une action est nécessaire, les moyens doivent devenir obligatoires même si ceci n’est pas la logique commune ou habituelle. Les actions doivent décider des moyens et non l’inverse.

« Il faut cultiver notre jardin » dit Candide à Pangloss à la fin du conte philosophique de Voltaire en 1759. Chacun a sa part dans cette affaire et de l’énergie ajoutée des actions des quelques milliards que nous sommes sur la Planète nous aurons immanquablement un impact de dimension spectaculaire. Si à chaque Grive on protège un nid et on garde aussi le Merle, son voisin, si à chaque Lièvre vivant on offre une Hase bien vive, si en gardant un sac plastique on évite à une Tortue marine de se tromper de Méduse… on fera progresser la Biosphère vers une Biodiversité améliorée. Malheureusement je crois qu’on ne sauvera plus la Planète. On la sauvera d’aucune manière beaucoup moins bien si on confond la Grive avec sa propre proie, on prive le Lièvre de sa femme ou si on confond l’océan avec sa poubelle. La Crise est bien là, reste à savoir si on se donne les moyens de lui survivre. Des quelques milliers d’humains que j’ai rencontré au cours de ma vie, j’en connais quelques uns qui cultivent notre jardin (un peu, beaucoup…), d’autres qui ne font que passer leur chemin, ne faisant rien et malheureusement beaucoup trop qui contribuent (un peu, beaucoup…) à la Crise de la Biodiversité. Il faut recruter chez les passants, réformer les destructeurs et nous progresserons sans dépenser un seul Kopeck. La Nature est l’affaire de tous et non une affaire pour certains.

Cyrille Deliry – Niort le 8 décembre 2022